Munich, le Festival d’opéra 2010

 Tosca, déjà vue (et pas encensée) à New York, était la première nouveauté (pour Munich) du festival 2010, Schweigsame Frau (avec Diana Damrau) étant l’autre. Les stars affichées ont fait recette, Karita Mattila et Jonas Kaufmann, lui, neuf à cette production, parfait de simplicité, de lyrisme attendri, voix exquise dans la douceur (sans pianissimo inutile), d’une plénitude latine arrogante dans les Vittoria du II ; elle, héroïque d’aigus dans un rôle qui surexpose la pauvreté en couleurs intrinsèque du timbre souvent sourd, à quoi supplée une ampleur souvent trop généreuse — comme Rysanek naguère, et pour les mêmes raisons. Juhu Usitalo, voix trop claire et sans mordant, fait illusion cinq minutes en Scarpia, puis se noie dans ses mots. La faute en est un peu à Fabio Luisi qui alternativement efface le son, étire et ralentit jusqu’à créer des silences, ou libère des torrents plus brutaux. Le rythme s’en trouve perdu, le tissu musical en morceaux, et Scarpia s’y noie ; jusqu’à Tosca qui, marchant çà et là sur sa plateforme du III, semble égarée, sans raison d’être. De tout cela Luc Bondy n’est pas innocent. Passons sur la misérable orgie au début du II, la pantalonnade préparatoire au Te Deum, le saut à bretelles de Tosca. Où sont son Cosi, sa Ronde d’autrefois ? Le voilà donc converti, et qui mange dans la soupe des grands (02/07/2010).

Don GiovanniAu regard, les monstruosités accumulées par Stephan Kimmig dans Don Giovanni ne sont plus que puérilités, violemment huées à l’entracte, acceptées au rideau final. C’est que son équipe de chanteurs faisait oublier décor, caprices et gags, à force de conviction, énergie et présence (et certes Nagano dans la fosse y mettait plus de gomme que Luisi la veille). Verve exemplaire et chant en ordre chez le couple Giovanni/Leporello, Marius Kwiecien et l’épatant Alex Esposito ; sobre, mâle, agissant Ottavio de Pavol Breslik ; Elvire véhémente, virtuose, encore un rien verte, de Maija Kovaleska (à suivre) ; et Anna simplement phénoménale de Anja Harteros, le personnage comme le chant, une Souez ou une Rethberg incendiaire retrouvée ! On en oublie les containers à fripes, la décharge publique, la chambre froide à quartiers de bœuf en fait de cimetière, la gaminerie bassement mode de vingt images et défroques.

Don Giovanni 2

Mozart et Da Ponte ont la peau dure, voyez-vous : et on ne dira jamais assez qu’ils vivent de bon chant (03/07/2010).

La production de Roberto Devereux est vieillotte mais déjà historique du fait de son héroïne Edita Gruberova, allumée comme jamais, qui finit sans cheveux, à la Bette Davis, couronne et crinière arrachées. Ses grands moments de chant (telles attaques, telles prises de souffle) sont grandissimes, Sonia Ganassi (Sara) en face fait bonne figure. Mais confrontés à ces étourdissantes prouesses, José Bros reste un peu de bois et Paolo Gavanelli (fort applaudi pourtant, hélas) carrément d’étoupe. Friedrich Haider mène cela rondement. Triomphe pour Edita l’incroyable et incorruptible, et qui paye toujours comptant (04/072010).

Nulle part ailleurs on ne trouverait telle diversité de répertoire, à ce niveau d’excellence dans l’exécution. Et dans le même juillet on pouvait choisir les Carmélites à scandale de Tcherniakov, Medea in Corinto de Mayr, Lohengrin sans Kaufmann mais avec Harteros (et Waltraud Meier), le nouveau Eötvös, Villazon dans l’Elisir. Pour Munich, un festival, c’est deux nouveautés enserrées dans les meilleurs moments de répertoire d’une saison. C’est la dernière recette qui vaille, la seule.

A propos de l'auteur

André Tubeuf

André Tubeuf

Né à Smyrne en 1930, André Tubeuf collabore aux magazines Le Point et Classica-Répertoire. Il est l´auteur de romans et de nombreux ouvrages sur la musique.

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