Orchestre de Paris, Paavo Järvi, Leif Ove Andsnes

Paavo JärviComme dans tout concert symphonique qui se respecte c’est la symphonie, quand elle est importante, qui conclut en apothéose : ici la Septième de Dvorak, si sérieuse et prenante, si proche de Brahms, et où les violoncelles s’emploient à le faire revivre — avec pour ainsi dire la phrase même que chante si bien le violoncelle seul au cœur de son Deuxième concerto.

Mais ce soir l’apothéose en un sens a déjà eu lieu en début même de programme. Ce Deuxième concerto de Brahms précisément, dont les quasi trois quarts d’heure de somptuosité instrumentale et de génie concertant montrent ce qui, au concert,  est le plus rare et le plus précieux : la lutte, et l’entente profonde, magique, entre un orchestre en superbe ordre de marche, et un piano qui est à lui seul la plus grande voix possible de Brahms (qui l’a créé).

Entre Paavo Järvi et Leif Ove Andsnes c’est mieux que l’entente : la relance à demi-mot, incessante, un jaillissement de vie, torrentiel, somptueux, mais en même temps un accord des timbres, des gradations, des contrastes même, exemplaire. Deux voix du nord, certes : mais qui s’ensoleillent souvent, c’est le Brahms devenu viennois qui chante ici, avec parfois un rien de rubato et même portamento dans un chant d’une mélancolie entêtante. Le violoncelle se distingue avec son chant soyeux, ici comme assoupli, et osant chercher à plaire : le prude Brahms ici se lâche. Mais d’entrée de jeu ça chantait : déjà les cors à nu, en belle intonation ronde et chaleureuse.

Les instrumentistes de l’Orchestre de Paris sont à la fête ce soir, épousant avec agilité et enthousiasme les incessants imperceptibles rajustements d’allure que leur propose l’empoignade amicale (en vérité quasi amoureuse) entre chef et pianiste. Le poids miraculeusement contrôlé que celui-ci imprime à ses estompes (on croirait parfois Debussy, soudain, bellement étrange dans ce paysage), la sonorité toujours franche, pleine, ronde dans les fracas (et il y en a), l’égalité perlée dans gammes et arpèges : c’est là Brahms lui-même, puissance assez mâle pour avouer des tendresses. Apothéose déjà, on vous a dit.

Salle Pleyel, 25 mai 2011 (Voir la vidéo du concert)

A propos de l'auteur

André Tubeuf

André Tubeuf

Né à Smyrne en 1930, André Tubeuf collabore aux magazines Le Point et Classica-Répertoire. Il est l´auteur de romans et de nombreux ouvrages sur la musique.

Laisser un commentaire