On a toujours beaucoup apprécié le travail de metteur(e) en scène de Mariame Clément, à la fois simple, public, et intelligent, combinaison infiniment plus rare qu’on ne croit. On oubliera donc son échec dans La Flûte enchantée. Elle n’est ni la première ni la dernière à se casser les dents sur un ouvrage à la fois si impossible et si facile (évident), pour avoir voulu l’obliger à porter une cohérence et une unité, un sens enfin que son caractère composite, mi-bon enfant, mi-prétentieux (il faut bien le dire), n’appelle pas et ne supporte pas. Passe encore ce paysage à déchets outre-atomiques, des personnages qui sont encore des personnages s’y ébattent et s’y rencontrent, réagissent, et nous n’en demandons pas plus (très joli loup blanc d’ailleurs, espèce ayant survécu par miracle : tout ce qu’on nous montrera d’animal à l’appel de la flûte de Tamino). Mais la sorte de cage/parloir où s’enferme le II avec ses congressistes nimbus et son indiscrète vidéo plombe purement et simplement tout ce qui peut passer pour émotion, péripétie, épreuves, personnages en devenir, asséchant Tamino et Pamina et ôtant à Papageno jusqu’à sa capacité habituelle de faire rire ou sourire, de mettre le public dans son jeu. Triste. On ne comprend rien à tel dédoublement de Dames au I ; ni en fin de II à l’éclipse pure et simple du couple princier et aux longues embrassades Sarastro/Reine, et le pire est, qu’arrivé à ce point, on commence à s’en fiche un peu.
D’autant que l’exécution musicale est, avec le Symphonique de Mulhouse, maigrelette, et la solide routine de Theodor Guschlbauer n’y suscite pas, au moins çà et là, de sortilège de timbres. Sébastien Droy défend excellemment son Tamino, et Susanne Elmark mieux que bien sa Reine. Olga Pasichnyk (Pamina) ne tiendra sous aucun climat la ligne de Ach ich fühl’s mais s’en rachète avec un superbe suicide. Papageno (Paul Armin Edelmann) n’est que sympa de voix et de projection et Sarastro (Bálint Szabó) nul et non avenu. On aura vite fait de chasser cette Flûte de son souvenir, attendant de l’Opéra du Rhin un prochain Mozart meilleur, et le prompt retour de Mariame Clément à sa meilleure elle-même.
Strasbourg, 7 décembre 2012
Un programme avec seulement Massenet, Duparc, Gounod, Chausson et Hahn, exposés dans un français d’une simplicité et d’une élégance comme depuis Crespin il ne s’en fait plus, cela suffit à marquer d’une pierre blanche le récital de Véronique Gens avec Susan Manoff au piano. Quelques échappées dans un aigu (d’ailleurs mal écrit) montraient la chanteuse déjà sensible au froid polaire d’un seul coup abattu sur le tout proche marché de Noël. Mais tout ce qui dans ce programme se dit, elle l’a dit avec une loyauté de voyelles et une pureté de consonnes également exemplaires. Rien ne peut mieux faire passer sur la relative monotonie des mélodies de Massenet aux émois assez courts que ce respect de la ligne et de la couleur propre aux mots, qui ont réussi à donner à Soleil couchant, par exemple, un relief et une dimension inespérés. Très bonne idée que d’enchaîner à L’Invitation au Voyage la rare Romance de Mignon de Duparc qui en complète, en explicite la couleur d’âme. Et quel plaisir de retrouver avec Gounod la divine Sérénade et surtout cette Villanelle que tous savaient par cœur au temps où ne se donnaient quasi jamais Les Nuits d’été de Berlioz qui aujourd’hui l’ont accaparée ! Trois extraits des Etudes latines de Reynaldo Hahn mettent en appétit. Qui nous donnera de cet ensemble magique tout ce qui est chantable par une voix seule ? Avec notre La Fontaine mis en musique par Offenbach, irrésistible conclusion d’un parfaitement discret, et parfaitement précieux, récital de mélodies françaises.
Strasbourg, le 8 décembre 2012
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