
De g. à dr. : Mark Van Arsdale (Saladin), Tassis Christoyannis (Ali Baba), François Rougier (Cassim), Philippe Talbot (Zizi), Christianne Bélanger (Zobéide) – © Pierre Grosbois
De toutes les œuvres rares qu’il a ressuscitées ces quelques dernières saisons, c’est peut être bien cet Ali Baba de Lecocq que l’Opéra-Comique a le plus heureusement traité. Oh, sans prétention aucune. Ni à rénover un regard (qui n’existait pas sur une œuvre pas rejouée) ni à traiter la Question d’Orient de façon à nous ouvrir les yeux politiquement. Mais l’essentiel, le fondamental était là : un chef qui trouve l’esprit et le mouvement de l’œuvre, qui n’y débarque pas en pays étranger, là pour animer et servir, Jean-Pierre Haeck, avec l’Orchestre Opéra de Rouen Haute Normandie.
Ajoutons Arnaud Meunier, le metteur en scène, direct, efficace, menant son monde tambour battant. Il s’en faut qu’on lui ait offert et qu’il nous offre pour Ali Baba cette « splendeur plus qu’orientale » dont parle Kipling. Tout au contraire, et c’est le petit regret que nous laisse la production. Etait-il nécessaire de la banaliser à ce point ? Que les brigands aient l’air de n’importe quels militaires d’opéra aujourd’hui, la foule de n’importe quelle figuration, et que le souk d’Ali Baba, qui est quand même un peu celui d’Haroun el Rachid, soit promu supermarché ? Surtout sans paillettes, un peu de fantaisie, un peu de différence ne font jamais de mal ! C’est dommage, car les dispositifs sont malins, font bien aller l’action (sauf un changement de décor longuet en fin de II) : un peu de joliesse irait si bien avec cette musique si bien troussée, si parfaitement faite pour plaire, sans couplet ni air mémorable, mais délicieusement instrumentée dans son économie.
L’équipe qui nous débrouille cela est très bonne, performante, chantant et bougeant bien et la meilleure nouvelle est que le cast mette en scène quelques jeunes chanteurs formés ces dernières saisons à l’Opéra-Comique même. Les deux très à part sont Sophie Marin-Degor en Morgiane et Tassis Christoyannis en Ali Baba, deux pros confirmés : elle toujours un rien stridente, mais le faisant oublier par l’enthousiasme entraînant, communicatif qu’elle y met ; lui, bon physique, un rien terne de timbre et de regard, bonne voix bien accrochée, sympathique dans un rôle dont la mise en scène ne fait pas vraiment ressortir le caractère. Ils seraient presque éclipsés par les brillants seconds, plus faciles à caractériser, surtout François Rougier en Cassim, Christianne Bélanger en Zobéide et un assez irrésistible Philippe Talbot, Zizi, à qui échoit le moment de chant le plus flatteur de la soirée.

De g. à dr. : de g à d: Tassis Christoyannis, Sophie Marin Degor, François Rougier (© Pierre Grosbois)
Un bijou d’opérette ou, mieux, opéra de poche, traité autant qu’il est possible dans ses termes propres, et servi tout fumant de bonne préparation et de joie au travail, ça s’applaudit bien fort !
Opéra-Comique, le 12 mai 2014
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