
Etincelant ! Eblouissant ! Avec, riche et flambant de tous ses rayons, le Soleil, le Roi-Soleil en personne. Heureux Cavalli ! Largement moins public que Monteverdi, il n’a pas (encore) été défiguré comme surtout la Poppée et le Retour d’Ulysse de celui-ci par les caprices des metteurs en scène. Touffu et long et délibérément somptuaire comme est Ercole, Cavalli a des chances d’échapper encore un peu aux bousilleurs.

Il faut dire qu’il est traité à l’Opéra-Comique par des gens de goût et de tact, Valérie Lesort et Christian Hecq. Ils honorent la Comédie Française à laquelle ils appartiennent : on a vu plus d’une fois d’illustres sociétaires se planter, et nous planter, méchamment en matière d’opéra. Mais ici une façon de présenter des personnages tous allégoriques, et d’autant plus faciles à caricaturer, de les animer, de les parer d’abord, procure souvent l’enchantement théâtral pur et simple. Il y a la conception décorative de Laurent Peduzzi, et des effets spéciaux, mirifiques, de surprenantes marionnettes plus vraies que nature, mais c’est le tout venant ici qui impose son haut niveau, intelligent (et intelligible !), soigné. La costumière, Vanessa Sannino, n’y est pas pour peu, avec sa fantaisie kitsch qui frôle constamment l’excès et malicieusement l’évite.

La troupe joue le jeu avec un entrain et un enjouement extrêmes, au point qu’on se demande pourquoi tant de spectacles dits baroques nous assassinent soit de leurs platitudes soit de leurs boursouflures. L’histoire évidemment n’offre aucun intérêt, simple allégorie d’un Roi Soleil déguisé en Hercule, massue à la main et pouvant faire parade de ses conquêtes, qui ont été ses illustres Travaux. Chez Monteverdi la seule Poppée a osé la réalité au lieu de l’allégorie, montrant des Princes dans leurs intrigues, leurs bassesses, leur sordide. Rien de tel ici. Tout est flambant soleil et les femmes sont demi-déesses.

Cette somptuosité dans ce qu’il faut bien continuer d’appeler le chichi épate. Mais ce ne serait rien sans un Ensemble Pygmalion survolté, et la façon qu’a Raphael Pichon de faire vivre tout cela en musique. Il se pourrait bien que ce soit la nature même de l’opéra italien, Monteverdi en tête, où son enthousiasme trouve à s’épanouir et flamber le plus à plein. Ses Vêpres restent un témoignage de splendeur dans le son, avec pourtant une économie souveraine dans la distribution du son géniale. Là il trouve à modeler librement une pâte par elle-même sublime et à s’inventer une respiration sonore que la métrique plus sévère de Bach n’autorise pas toujours.

Arte nous a retransmis cette soirée d’exception. Trouvez à la voir. Une grande œuvre y est révélée, dans une production comme on n’en reverra pas de sitôt. Ajoutons que Cavalli ne demande pas d’exploits vocaux intouchables mais chez chacun timbre et tenue de son, cela précisément que les productions baroques ont si longtemps négligé. Ici tout le monde (sauf l’inimitable Dominique Visse) nous donnerait aussi bien du Mozart. Nahuel di Pierro est idéal en Ercole, de physique, de timbre. Quatuor de dames flamboyant avec Mmes Anna Bonitatibus, Giuseppina Bridelli, Francesca Aspromonte et Giulia Semenzato. Bravissimo !

Laisser un commentaire
You must be logged in to post a comment.