Le palmarès des Muses – La musicologie, aujourd’hui La mort de Peter Maxwell Davies – L’histoire d’un roi fou Le souvenir du prodigieux Roy Hart

Antonio Vivaldi, dit le Prêtre Roux, un maître de musique pour ces demoiselles de la Pietà (Gravure sur cuivre de François Morellon de La Cave)

Antonio Vivaldi, dit le Prêtre Roux, un maître de musique pour ces demoiselles de la Pietà (Gravure sur cuivre de François Morellon de La Cave)

Les voix de Venise 
Le jury du Prix des Muses (désormais Prix des Muses Singer-Polignac) vient de rendre son verdict : treize livres publiés en 2015 sont inscrits au palmarès. On en comptait quinze et onze les deux dernières années. Une nouvelle fois, le jury de ce Prix créé en 1994 dans le cadre de Musicora (ancienne formule) témoigne de l’activité éditoriale française dans le secteur musical et, surtout, du grand intérêt de travaux musicologiques pointus qui, à défaut d’une visibilité immédiate pour le grand public, sèment de petites graines pour l’avenir.

C’est notamment le cas du Grand Prix décerné à Caroline Giron-Panel (1082 pages !) dont l’ouvrage, bourré d’informations, nous explique comment fonctionnaient au XVIIIe siècle les quatre Ospedali vénitiens, notamment celui de la Pietà, à deux pas du Pont des soupirs, où régnait Antonio Vivaldi. Jean-Jacques Rousseau s’y rendit, fut émerveillé par les voix des jeunes filles (enfants abandonnées, recueillies par cette institution charitable), moins, il faut dire, par les visages disgracieux qu’il découvrit après la prestation musicale…

Au même palmarès, il y a aussi de la polémique (Wagner antisémite…) ; du jazz ; un roman où l’on retrouve Maurice Jaubert, le musicien de Jean Vigo ; l’inusable Quatuor Borodine ; un mondain proustien pour le temps retrouvé et un clin d’œil à Gabriel Fauré épistolier, au temps où monsieur le directeur du Conservatoire se laissait aller aux effusions amoureuses. Chut !…

livre VeniseSi, par hasard, votre quotidien habituel ne vous offre pas le résultat complet des courses, le voici :

GRAND PRIX
Caroline Giron-Panel
Musique et musiciennes à Venise, Editions EFR

PRIX DU JURY
Patrice Chéreau, un musée imaginaire, Actes Sud

PRIX SPECIAL
Jean-Jacques Nattiez
Wagner antisémite, Christian Bourgois

COUP DE CŒUR
Mâkhi Xenakis
Iannis Xenakis, un père bouleversant, Actes Sud
et
Tricia Tunstall
Changer des vies par la pratique de  l’orchestre, Symétrie

PRIX DE L’ESSAI
Jann Passler
La République, la musique et le citoyen 1871-1914, Gallimard

PRIX DU TÉMOIGNAGE
Valentin Berlinsky
Le quatuor d’une vie, Aedeam Musicae

PRIX DU TEMPS RETROUVÉ
Philippe Blay
Reynaldo Hahn, un éclectique en musique, Actes Sud

PRIX DU JAZZ
Alexandre Pierrepont
La Nuée/l’AACM, Parenthèses

PRIX DE LA CORRESPONDANCE
Jean-Michel Nectoux,
Gabriel Fauré, Correspondance et Lettres à Madame H., Fayard

PRIX DU DOCUMENT
Germaine Tillon
Une opérette à Ravensbrück, La Martinière

PRIX DE L’HISTOIRE
Pawel Gancarczyk
La musique et la révolution de l’imprimerie, Symétrie

PRIX DU ROMAN
Maryline Desbiolles
Le Beau temps, Seuil

George III, le roi fou
Lorsque je l’ai connu, le compositeur britannique Peter Maxwell Davies (« Max » pour les intimes) qui vient de disparaître dans sa résidence écossaise à l’âge de quatre-vingt-un ans, était un jeune compositeur. Il appartenait, en compagnie d’Alexandre Goehr et d’Harrison Birtwistle, du pianiste John Ogdon et du chef (et trompettiste) Elgar Howarth, à l’Ecole de Manchester ; et c’est précisément à Manchester que je lui ai rendu visite pour échafauder quelques projets pour le Festival de Royan.

Roy Hart, le roi fou de Peter Maxwell Davies

Roy Hart, le roi fou de Peter Maxwell Davies

Il me proposa les Vesalii Icones (d’après les illustrations d’Andreas Vesalius, l’anatomiste et célèbre médecin de la Renaissance) pour un ensemble instrumental et un danseur, magnifique danseur noir, dont la complète nudité fit alors scandale. Mais le clou de la soirée devait être la première française des Huit Chants pour un roi fou, monodrame que venaient de créer les musiciens des Pierrot Players et Roy Hart, ce fabuleux comédien-chanteur dont la voix passait dans un rugissement-grognement de l’extrême grave au plus improbable des colorature. Roy Hart fit sensation sur la scène du Casino de Royan le 25 mars 1970 ; il s’installera plus tard en Provence et créera son école afin de livrer à ses disciples les secrets d’une technique personnelle avant d’être victime, cinq ans plus tard, d’un accident mortel sur une route de notre belle Provence.

Au Festival de Royan, Roy Hart incarna le roi George III, le roi fou (1738-1820), dont un signe bien anodin de son aliénation mentale était son amour des oiseaux. Une cage dressée sur la scène avait particulièrement agacé Olivier Messiaen, et plus encore un violon brisé. Sacrilège !

Républicain
Particulièrement ignoré par la France, Peter Maxwell Davies, esprit contestataire et républicain de surcroît, a été dans son pays, honoré par les pouvoirs officiels, anobli en 1987, et nommé en mars 2004 « Maître de musique de la Reine », ce qui tempéra nettement, semble-t-il, son anti-monarchisme.

De ses quelque trois cents opus, de sa dizaine d’opéras, de ses nombreuses symphonies, modernes, mais pas trop si j’ose dire, on connaît peu de choses dans l’Hexagone. Mais…

Mais les Huit Chants pour un roi fou seront donnés le 27 mai prochain à la Cité de la Musique par l’Ensemble Intercontemporain. Enfin !…

En 2014, lorsque Max quitta son poste officiel auprès de la Reine, il fut remplacé par la compositrice Judith Weir, première femme à occuper cette très honorifique fonction.

Peter Maxwell Davies (à droite), en compagnie du chef britannique Simon Rattle (DR)

Peter Maxwell Davies (à droite), en compagnie du chef britannique Simon Rattle (DR)

 

Couv réduite (2)Retrouvez la chronique de Claude Samuel dans le magazine Diapason d’avril 2016 :

« Ce jour-là, 22 mai 1872 : Pose de la première pierre à Bayreuth »

A propos de l'auteur

Claude Samuel

Claude Samuel

Les commentaires de Claude Samuel sur l'actualité musicale et culturelle, étayés de souvenirs personnels.

Laisser un commentaire