Le blog-notes de Claude Samuel Sacem et Adami – Jeunes talents aux Bouffes-du-Nord Encore Ravel – Un scandale au Belvédère

La mezzo-soprano Ambroisine Bré, une des Révélations de l’Adami © Florent Drillon/Adami

La mezzo-soprano Ambroisine Bré, une des Révélations de l’Adami – © Florent Drillon/Adami

 
Il fut un temps, et ce temps dura des siècles, où les auteurs n’étaient pas rétribués pour l’exécution de leurs œuvres, ni leurs héritiers ; et je songe, par exemple, à la détresse de cette pauvre Anna Magdalena, la seconde épouse et veuve de Bach qui mourut quasiment dans la misère, malgré de nombreux enfants qui ne s’en préoccupèrent guère.

La Sacem et quelques autres sociétés de même nature ont remédié à travers le monde à cette carence. Mais l’époque change et l’on s’est aperçu que le travail de notre Sacem, énergiquement conduite pendant quarante ans par Jean-Loup Tournier (1930-2015), un combattant dont j’ai personnellement apprécié la vaillance, devait s’étendre à d’autres catégories d’artistes, en particulier aux interprètes que les nouveaux modes de communication risquaient de déposséder du (juste) bénéfice de leur travail.

Des artistes-interprètes (classiques et variétés) ont donc créé il y a soixante ans une société qui, non seulement redistribue des sommes conséquentes (plus de cinquante millions d’euros, chiffre de 2014) mais soutient de bonnes causes : l’Adami (Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes). Le soutien apporté à de jeunes artistes en est une, c’est évident, et le succès remporté lundi dernier au Théâtre des Bouffes-du-Nord par les « Révélations de l’Adami » prouve qu’au-delà de la « bonne action », il est toujours passionnant d’entendre de jeunes artistes, capables de prendre tous les risques, pas encore précautionneux face à une gloire forcément précaire.

Et que de talents sur ce plateau ! Avec les voix d’Ambroisine Bré et de Marie Perbost, de Fabien Hyon et d’Anas Seguin, le violoncelle de Yan Levionnois qui fut récompensé en 2009 au Concours Rostropovitch (le dernier, hélas, quelques semaines avant que la Mairie de Paris ne prononce son arrêt de mort), le violon d’Anna Göckel (impeccable dans Ysaÿe), le piano de Josquin Otal et la clarinette d’Amaury Viduvier délicieusement espiègle dans la Fantaisie sur Carmen de Sarasate. Quant au finale, un extrait de La Périchole, il aurait mérité la présence de quelques caméras de télévision… Bref, une soirée méli-mélo mais qui rend heureux. Merci, l’Adami !

Un moment de bonheur, partagé entre le plateau et le public - © Florent Drillon/Adami

Un moment de bonheur, partagé entre le plateau et le public – © Florent Drillon/Adami

Maison de poupée
Ravel est de nouveau à l’affiche… des faits divers. Ce n’est plus son Boléro qui est en cause, mais la maison de poupée où il vécut de 1921 à sa mort en 1937. Maison dite « Le Belvédère » installée à Monfort-l’Amaury, passablement exiguë, qu’Edouard Ravel, le frère du compositeur, a léguée jadis à la Réunion des Musées Nationaux. Si exiguë que six personnes seulement sont acceptées pour une même visite. Pas question de photographier, moins encore de toucher au piano sur lequel Ravel a composé ses deux Concertos.

Le sanctuaire, rue Maurice Ravel, à Montfort l’Amaury dans les Yvelines. Qui a osé le profaner ? (DR)

Le sanctuaire, rue Maurice Ravel, à Montfort l’Amaury dans les Yvelines. Qui a osé le profaner ? (DR)

Que s’est-il passé au Belvédère le vendredi 27 janvier ? Quel fait divers à l’occasion de la visite de la « maison Ravel » par mon ami le maestro Charles Dutoit, en compagnie de son épouse, la violoniste Chantal Juillet, de Martha Argerich, sa première épouse et de leur fille Annie ? Quel scandale que la presse, générale et spécialisée, a pris soin de relayer ? Martha s’est-elle installée au piano ? La mairie a-t-elle a été alertée de quelque éventuel désordre ? Hervé Planchenault, le maire de la cité, et Patricia Guerlain, son adjointe à la culture, ont-ils botté en touche ? Les élus ont-ils voulu liquider quelque vieille querelle avec l’association des Amis de Ravel ? Clochemerle assuré !

L’émoi
Ce que je remarque, c’est moins « le chef-d’œuvre en péril » que l’empressement de la presse à commenter cet événement musical majeur. « Le monde de la musique classique est en émoi », lance Le Figaro. Il ne faut tout de même pas exagérer. J’ai jadis suffisamment bataillé pour savoir que les rédacteurs en chef les plus sourds se délectent de ces mésaventures, ce que j’avais fait remarquer à l’un de mes supérieurs : « Si Rubinstein donne un admirable récital, il a droit, au mieux, à vingt-cinq lignes dans la page culture. Si Rubinstein se casse la jambe en entrant sur scène, il sera le lendemain à la une »…
 
 
 
couvmarspetite (2)

Retrouvez la chronique de Claude Samuel
dans le magazine Diapason de mars 2017 :

« Ce jour-là, 25 mai 1887 :
l’incendie de l’Opéra-Comique »

 

A propos de l'auteur

Claude Samuel

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Les commentaires de Claude Samuel sur l'actualité musicale et culturelle, étayés de souvenirs personnels.

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