Le blog-notes de Claude Samuel Cimarosa, grâce à Stendhal Un opéra bissé au Burgtheater – L’opera buffa L’exploit des élèves du Conservatoire de Paris

Cimarosa (1749-1801). Contemporain de Mozart, ce Napolitain connut les fastes des cours européennes et les geôles de Ferdinand IV - Gravure de Luigi Bridi

Cimarosa (1749-1801). Contemporain de Mozart, ce Napolitain connut les fastes des cours européennes et les geôles de Ferdinand IV. Gravure de Luigi Bridi

Parmi les auteurs féconds et glorieux en leur temps dont les œuvres n’ont pas survécu, l’Italien Domenico Cimarosa, cette semaine à l’affiche de notre Conservatoire national de musique, occupe une place de choix. Il a composé quelque soixante-dix opéras et quatre-vingt sonates pour les clavecinistes dont les partitions sont enfouies dans les bibliothèques, et ce sont finalement quelques lignes de Stendhal qui auront largement contribué à sa gloire posthume.

stendhal_vie-de-rossini_1854_edition-originale_ (2)L’auteur de La Chartreuse de Parme raffolait d’opéra et adorait l’Italie (ou l’inverse) et, dès les premières lignes de sa Vie de Rossini, il cite Cimarosa, dont le style est « étincelant de verve comique, de passion, de force et de gaieté », et dont les deux premiers duetti du Mariage secret « sont les chants les plus beaux qu’il ait été donné à l’âme humaine de concevoir. » Rien de moins !

Un bis mémorable
Avis partagé dès le premier soir par l’empereur Leopold II, le commanditaire de l’œuvre, qui, au cours du dîner sûrement très chic qui suivit la représentation du Burgtheater de Vienne, lança à ses invités : « Et si nous recommencions ?… » Et c’est ainsi que le 7 février 1792, deux mois après la mort de Mozart dans cette même ville, Le Mariage secret, qui remplit bien ses trois heures, fut repris de la première à la dernière mesure. Et après ce bis mémorable au Burgtheater de Vienne, Le Mariage triompha la même année à Prague, Leipzig, Milan, Dresde et Berlin.

Entre Noces et Barbier
Le thème du mariage, pas encore pour tous, est un grand classique du théâtre lyrique. Sur le même registre, Cimarosa jette un pont entre le Figaro des Noces et le Barbier de Séville, à la réserve près que l’engagement social et contestataire est tout de même plus évident chez Beaumarchais et Lorenzo da Ponte que chez Giovanni Bertati, le librettiste de Cimarosa, lequel se contente de suivre très sagement les règles de l’opera buffa.

Ici, la comédie se joue entre deux sœurs, un soupirant, un père qui cultive sa surdité en surveillant son bas de laine, et quelques personnages secondaires qui pimentent l’imbroglio. Pas de réflexion philosophique mais le seul plaisir du marivaudage. Musicalement, la partition de Cimarosa lorgne aussi du côté de Mozart et de Rossini. Il y a des références moins honorables ; celle-ci pétille, ce qui n’est pas désagréable dans notre époque victime de tant de turpitudes. Pour tout dire, malgré mon habituelle impatience dans une salle d’opéra, je n’ai pris que du plaisir en cette soirée montée par les élèves du Département des disciplines vocales du Conservatoire de Paris et de l’orchestre de la maison, dirigé avec souplesse et précision par Patrick Davin.

Car c’est une jeune équipe, déjà parfaitement professionnelle, qui est à la manœuvre. Voix naturelles et fraîches mais déjà très au fait des codes d’exécution de cette musique. Les deux soupirants, la Carolina d’Harmonie (prénom rare, qui me rappelle l’épouse d’un certain Charles Ives) Deschamps et le vaillant Paolino de Blaise Rantoanina, la petite sœur, Elisetta, incarnée par Marie Perbost (qui a figuré, la semaine dernière, parmi les Révélations de l’Adami aux Bouffes-du-Nord), auxquels je joindrai l’insistante Fidalma de Fiona McGown, ce vantard de Comte bien servi par la basse Jean-Christophe Lanièce. Enfin le Geronimo de Guilhem Worms, annoncé comme souffrant, excellent néanmoins. À l’arrivée comme dans Mozart et Rossini, les délices du sextuor, agrémenté par les pirouettes du comédien, Alex Sander Dos Santos.…

Enfin, une autre bonne idée pour ce spectacle du Conservatoire, c’est d’avoir confié la scénographie à Cécile Roussat et Julien Lubek, une équipe venue du mime et du cirque capable de créer ici, hors réalisme appliqué, un univers très visuel.

Fantaisie et couleurs pour ce Mariage version Conservatoire de Paris, et un petit lapin au premier plan © Ferrante Ferranti

Fantaisie et couleurs pour ce Mariage version Conservatoire de Paris, et un petit lapin au premier plan © Ferrante Ferranti

Pas de bis !
L’histoire ne dit pas si Stendhal aurait aimé cette façon de traiter le théâtre lyrique comme du théâtre, mais mes voisins de la Salle Rémy Pflimlin (du nom de l’ancien président du Conservatoire et président de France Télévisions, décédé en décembre dernier) ont adoré et auraient volontiers réclamé un bis, comme, jadis, l’Empereur Léopold.

Dimanche !
Néanmoins, la fête n’est pas tout à fait terminée. Dernière représentation dimanche prochain à 15 heures. Sinon rechercher : l’enregistrement réalisé il y a quarante ans pour le label DGG par l’English Chamber Orchestra dirigé par Daniel Barenboïm (avec Julia Varady, Arleen Auget et Dietrich Fischer-Dieskau) ou/et le DVD réalisé en 2007 par l’Opéra Royal de Wallonie.
 
 
 
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Retrouvez la chronique de Claude Samuel
dans le magazine Diapason de mars 2017 :

« Ce jour-là, 25 mai 1887 :
l’incendie de l’Opéra-Comique »

 

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Claude Samuel

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Les commentaires de Claude Samuel sur l'actualité musicale et culturelle, étayés de souvenirs personnels.

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