Le blog-notes de Claude Samuel Olivier Messiaen à Présences – Une création posthume – Les fauvettes de l’Hérault – Roger Muraro, science et dévouement – Feu le studio 104

Olivier Messiaen (1908-1992) Cet être doux pouvait être véhément quand il défendait les causes auxquelles il avait consacré sa vie — sa foi religieuse, son amour des chants d’oiseaux… Il s’adresse ici aux étudiants du Centre Acanthes rassemblés à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon. (Ph. Claude Samuel)

Olivier Messiaen (1908-1992) Cet être doux pouvait être véhément quand il défendait les causes auxquelles il avait consacré sa vie – sa foi religieuse, son amour des chants d’oiseaux… Il s’adresse ici aux étudiants du Centre Acanthes rassemblés à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon. (Ph. Claude Samuel)

Le festival Présences, dont j’ai rappelé l’historique dans mon dernier blog, a souvent rendu hommage à l’œuvre d’Olivier Messiaen mais la séquence Messiaen 2018 (mardi soir à Radio France) est assez particulière, puisqu’elle a concerné la création (française) posthume d’une pièce seulement esquissée dont le matériel a été recueilli dans le fonds Messiaen de la Bibliothèque Nationale. L’artisan de cette résurrection est le pianiste Roger Muraro, un élève d’Yvonne Loriod, la seconde épouse du compositeur, dont la légitimité en la matière est plus qu’avérée comme en témoigne son superbe enregistrement de l’intégrale des œuvres pour piano de Messiaen pour le label Accord — des Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus au Catalogue d’oiseaux, en passant par les Préludes et autres Études de rythme

Olivier Messiaen, notant des chants d’oiseaux sur le terrain… Selon toute probabilité, c’est Yvonne Loriod qui a fixé pour nous ce moment intime sur la pellicule.

Olivier Messiaen, notant des chants d’oiseaux sur le terrain… Selon toute probabilité, c’est Yvonne Loriod qui a fixé pour nous ce moment intime sur la pellicule.

Ici, il s’agit de l’évocation du chant de diverses fauvettes noté par Messiaen dans l’Hérault au tournant des années soixante. On peut imaginer que ce matériel aurait abouti à une œuvre (sans doute concertante) si un voyage au Japon et la composition des Sept Haïkaï qui en est résultée n’avaient détourné le compositeur de son intention première. Dire que Messiaen avait à tout jamais renoncé à cette nouvelle œuvre serait excessif, mais il est vrai qu’il composait lentement, essentiellement pendant l’été, dans sa maison de Petitchet dans la Matheysine, face aux grands glaciers alpins qui le fascinaient, et qu’à partir de 1975, répondant à la commande de Rolf Liebermann, alors patron de l’Opéra de Paris, il consacra tout son temps à l’écriture de son opéra Saint François d’Assise. « Je ne veux pas, me disait-il, laisser mon opéra inachevé, comme ce malheureux Moussorgsky avec Boris Godounov. »

Les « Exotiques »
La petite Fauvette de l’Hérault fut donc la victime collatérale de cet agenda contraignant, interrompu par un voyage au Japon, qui nous vaudra la composition des Oiseaux exotiques (au programme de Présences demain samedi avec l’Ensemble Intercontemporain) ; et cette Fauvette aurait continué à somnoler dans le très vaste catalogue des œuvres inabouties sans le travail, parfaitement scrupuleux d’un pianiste qui, outre la virtuosité digitale, possède les clés de cet univers si particulier. Mais je préfère prévenir les compositeurs négligents qui abandonnent des brouillons dans leurs tiroirs : ils n’auront pas tous, post-mortem, un autre Roger Muraro, qui a, en l’occurence, associé la science et le dévouement.

Roger Muraro joue sur le piano de Messiaen à Petichet, la retraite alpine du compositeur. De la fenêtre, une vue sur le lac de Laffrey où Messiaen prétendait se baigner, même l’hiver… (Photo Claude Samuel)

Roger Muraro joue sur le piano de Messiaen à Petichet, la retraite alpine du compositeur. De la fenêtre, une vue sur le lac de Laffrey où Messiaen prétendait se baigner, même l’hiver…
(Photo Claude Samuel)

Baptême
Enfin, je signale que le « Studio 104 », où s’est déroulé le récital, s’appelle officiellement la Salle Olivier Messiaen depuis qu’au lendemain de la mort du compositeur, j’ai proposé à mon PDG dans mes fonctions de Directeur de la Musique ce baptême qu’il accepta d’emblée… Mais, alors que d’autres salles et divers bâtiments musicaux portent aujourd’hui le nom de Messiaen à leur fronton, le très anonyme « Studio 104 » a toujours la vie dure…

 
 
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Retrouvez la chronique de Claude Samuel
dans le magazine Diapason de février 2018 :

« Ce jour-là, 24 mars 1916 :
la mort de Granados
»

 

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Claude Samuel

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Les commentaires de Claude Samuel sur l'actualité musicale et culturelle, étayés de souvenirs personnels.

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