ut pictura musica… sentita… Continuo XXVIII.X.XII

Denis Grenier
Ecrit par Denis Grenier

Piero della Francesca Ideal City

Émission du dimanche 28 octobre 2012

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Astrée, E 8705, 1988, nombreuses rééditions

Sibilla latine 38,   Anonyme

La voix de Montserrat, reconnaissable entre toutes, chante de sa voix pleine et si riche de couleurs, d’une matière vocale tellement humaine et sans aspérités. Elle égrène avec profondeur des phrases de la Sibille, avec le cheur en fond, comme témoin. La présence de cette voix fait passer au-delà des siècles, et cette période de l’histoire devient plus proche à l’écoute. La rondeur des phrases avec une respiration ample, un relief réalisé par les plans vocaux, de temps à autre souligné par les instruments qui soulignent les formes, avec leurs timbres aux grains si différents, invite à une écoute à la fois puissante et calme, dans un univers d’un autre temps. Et comme dans les musiques orientales si souvent, la répétition est loin du divertissement, mais exerce plutôt un effet fascinant qui efface le passage du temps.

Rome, voûte de l’oratoire Saint-Zénon, église Sainte-Prudentienne, IXe siècle.

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http://player.qobuz.com/#!/album/0886788542204

http://www.dailymotion.com/video/xbx4mv_el-cant-de-la-sibilla_music

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Ramée, RAM 1203, 2012

Calata alaspagnola ditto terzetti, Jonambrosio Dalza

Un ensemble d’instruments avec une vivacité et une légèreté joueuse reprend une ritournelle de danse, et tournoie de plus en plus, avec un plaisir des timbres et un mouvement continuel, mené par la flûte à bec.

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http://www.youtube.com/watch?v=A2SV5KrZUo4

http://player.qobuz.com/#!/album/4250128512039

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MA Recordings, M064A, 2003

Suite en ré majeur,   Robert de Visée

Leluth d’Eduardo Eguez joue cette polyphonie avec un art du chant, les cordes pincées vibrent avec une tenue des sons qui dessine le jeu des lignes, et l’élégance et la sensibilité animent les pièces de la suite : elles sont jouées comme avec évidence, les aigus sont merveilleusement beaux, la ligne de basse chante elle aussi. L’interprète est un véritable poète, et les cordes du luth, avec de temps à autre le souffle du luthiste, semblent vibrer avec une proximité comme adressée à l’oreille qui l’écoute. Le raffinement de l’écriture devient sous les doigts de l’interprète un enchantement.

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http://www.eduardoeguez.com/html/fr/home.htm

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Ramée, RAM 0703, 2007

Deux coeurs aimants, Paschal de L ‘Estocart

En pleine Renaissance, cette polyphonie religieuse dans l’esprit de la Réforme est riche d’harmonies pleines et colorées, dans un contrepoint au service d’un texte poétique, qui souligne les mots et le sens des mots, par ses tournures mélodiques et ses dissonances, avec une juste présence des interprètes.

Suzanne, un jour

Cette mélodie, reprise par divers compositeurs des XVI et XVIIè siècles, qui sera le sujet de nombreuses peintures, est ici chantée dans un contrepoint savant, aux dissonances expressives, avec des entrées en imitations, dans une écriture proche de la pièce précédente, à une époque où la musique profane et la musique sacrée empruntent au mêmelangagemusical pour diverses compositions, davantage marquées par la personnalité et l’univers du compositeur.

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http://www.youtube.com/watch?v=84tcpVABuWk

http://www.youtube.com/watch?v=ilt6yxMj9CE

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Astrée, E 8701, 1988

Suite Langton, John Dowland

La viole de gambe à l’honneur avec la superposition de mélodies émouvantes de pièces de Dowland est jouée en consort de violes, ici la famille des violes, accompagnée d’un luth. La musique anglaise est touchante avec ses finesses, ses déplacements délicats, une douce mélancolie, et le jeu des interprètes fait entendre des sonorités belles et timbrées, pour une grande douceur, un peu acide avec ses teintes anglaises.

Nicholas Hilliard, Jeune homme songeur parmi les roses appuyé à un arbre, vers 1588

Londres, Victoria & Albert Museum

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Entretien avec Jordi Savall

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Astrée, E 8717, 1990

Ricercadas sobre la cancion Doulce Memoire, Diego Ortiz

La viole joue ici accompagnée par l’orgue positif dans une musique plus démonstrative, celle de Diego Ortiz, cet Espagnol que l’on retrouvera à Naples. Une grande mélodie, avec ses volutes et ses fioritures, sera ensuite reprise avec diverses ornementations, les diminutions, le sujet essentiel du traité des glosas. La viole de gambe est jouée ici avec une assurance, une sonorité colorée et chaude, et la générosité d’un tel instrument se révèle encore une fois dans la rencontre entre l’interprète et le répertoire. La complicité du luth et du clavecin au long des glosas ouvre à une écoute attentive et diverse aux multiples facettes de la viole, cet instrument si vivant, si touchant, avec son souffle et ses nuances.

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Ricercar, RIC 239, 2004

Christ lag in Todesbanden, Franz Tunder

L’orgue aux jeux clairs dans la lumière du Nord sonne sous les doigts de Bernard Foccroulle pour ce choral luthérien du XVIIè qui évoque le Christ encore dans le tombeau, d’un compositeur de l’Allemagne du Nord. Une écriture chromatique jouée en effets d’écho sur deux claviers et sur le pédalier dans une tessiture grave, avec une palette de timbres et de belles sonorités, dans une multiplicité qui souligne la complexité de ce moment religieux. La prolixité du propos sonore, dans une manière proche de l’improvisation comme elle pouvait être pratiquée à l’époque, accède peu à peu à une jubilation avec des traits incisifs et sereins, et choisit de souligner, peut-être, la situation du Christ qui gisait, mais qui ressuscite. L’interprète, avec la précision de son jeu, son choix des registres, fait chanter à merveille cette musique des bords de la Baltique avec une envergure qui donne de l’ampleur.

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http://player.qobuz.com/#!/album/5400439002395

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Atma, ACD2 2504, 2009

Due rose fresche, Andrea Gabrieli

Des voix timbrées à l’articulation claire chantent avec diversité cette polyphonie vocale italienne, avec ses traits vifs en imitations, ses belles tournures mélodiques, et des harmonies qui sonnent.

Zefiro torna,   Claudio Monteverdi

Sur une chaconne, une basse répétée, deux voix d’hommes entonnent cette mélodie accompagnée, qui tourne avec ses effets d’écho, et ses volutes dans la mélodie, comme le zéphir, dans un espace sonore comme un véritable paysage. La dimension dramatique est mise en scène par l’expression du jeu mélodique de Monteverdi, et par la sensibilité des interprètes pour toutes les facettes du madrigal.

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Atma, ACD2 2352, 2005

Concerto comique n° 25 en sol mineur,   Michel Corrette

L’ensemble instrumental choisit légèreté et vivacité pour jouer avec précision et dans une jubilation bienvenue cet air des Sauvages, que Corrette illustre avec verve et gaieté.

Le clavecin et les cordes entonnent ensuite une ritournelle avec une certaine innocence pour cette pièce divertissante, du concerto comique. Puis l’ensemble reprend dans une dynamique joyeuse une danse avec couleurs et mouvement et concluent cette pièce allègre avec brio qui dépeint à merveille une ambiance possible au sein de la société française du XVIIIè.

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Alpha, 533, 2012

Xacaras,   Anonyme

La petenera, El gusto, Son huasteco, Mexico

Los impossibile,  La Lloroncita, Santiago de Murcia

Un voyage de plus en Nouvelle Espagne avec les musiciens de Mare Nostrum permet de découvrir le métissage entre instruments européens, dont le cornet à bouquin, avec son charme spécifique, et entre langage baroque et rythmes et traditions de ces pays de l’Amérique latine, et ici le Mexique. Une dynamique de la danse n’est jamais loin, avec la guitare et son geste prête au mouvement, et la mélodie tourne avec toutes ses fioritures et ses rayons de soleil, dans laquelle la voix de Nora Tabbusch se glisse et apporte ses couleurs, et sa vivacité.

Accompagnée de la vihuela, une voix d’homme gouailleuse reprend la petite mélodie annoncée par l’instrument, puis illustrée avec ornementations par le jeu riche d’improvisation de la viole de gambe.

Cette alliance prête au rêve et attise l’imagination.

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Nora Tabbush

Andrea de Carlo

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http://www.youtube.com/watch?v=_T256MAtMOM

http://www.qobuz.com/album/ensemble-mare-nostrum-andrea-de-carlo-nora-tabbush-nueva-espaa/3760014195334

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Paradizo, PA0011, 2012

TerpsichoreBallo, Michaël Praetorius
L’ensemble Renaissance de Skip Sempé insuffle une vie intense à cette oeuvre de Praetorius : une dynamique pleine d’impulsion, avec des timbres choisis, des rythmes enlevés, un souffle pour ces mélodies au sein de la polyphonie Terpsichore, de la Muse de la danse. Le goût des instruments et de leurs couleurs, l’ornementation qui habille les mélodies, la musique comme un mouvement inépuisable, mais aussi l’émotion avec une puissance profonde, c’est à un véritable festin de musique que nous convie Skip Sempé et son ensemble, jusqu’à la magnificence.

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http://www.youtube.com/watch?v=H__WgOgH6CE

http://player.qobuz.com/#!/album/5425019972110

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Collaboration

Thérèse Bécue

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