ut pictura musica… Continuo… Guillaume de Machaut

Denis Grenier
Ecrit par Denis Grenier

 

Guillaume de Machaut

L’amoureus tourment

Loyauté que point ne delay

 

Marc Mauillon, Vivabiancaluna Biffi, Pierre Hamon

 

Eloquentia El 0607

 

 

Dans un temps magique si près du sentiment et au bord du vertige, se déroule le premier lai de Guillaume de Machaut  1300 ? – 1377, « le dernier grand poète qui était aussi compositeur » (manuscrits de près de 400 poèmes), une merveilleuse pièce de l’art lyrique du XIVè siècle et un poème d’amour courtois ou fin amor : avec une influence poétique probable de l’Orient venue par l’Espagne arabo-andalouse et transmise par le biais des troubadours, l’expression des états d’âme, discours subjectif dans lequel la vie et la mort sont reliées, prend la forme d’un lai dans la « matière de Bretagne » à l’origine texte narratif de la tradition celtique, dans un long texte de cet amoureus tourment.

Avec une seule ligne de chant imperturbable qui guide tout, constituant à elle seule la partie musicale du manuscrit de Loyauté que point ne delay, dans la tradition monodique de l’art des ménestrels entre musique à bourdon et petites mélodies populaires d’une simplicité claire, la vièle à archet et les flûtes à bec improvisent selon l’art du contrepoint polyphonique pour le soutien de la note du chant, et suivent les idées du chanteur dans un contrepoint de l’émotion entre monodie et polyphonie. Comme la période du XIVè siècle le permet dans la coexistence entre simple monodie et le premier contrepoint, un véritable dialogue, dans une interaction continue, s’institue entre le texte et la musique interprétée par les trois musiciens.

 

Dans ce lai, la structure métrique et la mélodie sont les mêmes pour la suite des 12 strophes, seules changent les rimes des vers. C’est sur la rime que se concentreront l’attention du poète et celle de l’auditeur : Loyauté que point ne delay  ne rassemble pas moins de quarante-sept rimes distinctes. La musique, reprise à l’identique à chaque strophe, est un exemple unique parmi les vingt-quatre lais du compositeur rémois. On peut lire et relire ce texte qui évoque tant de finesses du sentiment amoureux, dans lequel la Loyauté conduit la vivacité de la poésie :

 http://www.medieval.org/emfaq/composers/machaut/l1.html

Les mots manqueraient presque pour exprimer la sidération de l’attention à l’écoute d’une poésie si riche non seulement dans son écriture mais aussi dans la multiplicité de ses nuances, ainsi qu’à l’audition d’une mélodie d’une inspiration si judicieuse.

 

Marc Mauillon, de sa voix tellement reconnaissable dans sa lumière et comme avec une souplesse féline, dans une diction impeccable, privilégie le mot et la densité de la poésie avec une inventivité créative dans la musique de chaque syllabe, et fait sonner les mots dans une diversité stupéfiante. Il chante cette mélodie si ouverte de fort belle structure, dans l’ondulation de la modalité qui fait entendre des dissonances dans le temps horizontal, avec le tressage des sons de la vièle de Viva Biancaluna Biffi et les nombreux mélismes de la flûte de Pierre Hamon dans une proximité complice et une symbiose poétique. A la curiosité de la première écoute d’une des plus belles expressions de l’art de l’amour courtois succède un enthousiasme pétri d’émotion pour un art musical et poétique et on est saisi dans une temporalité qui lui est propre.

                                                                        Thérèse Bécue

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http://www.qobuz.com/info/MAGAZINE-ACTUALITES/RENCONTRES/Marc-Mauillon-une-rencontre173472

 

http://player.qobuz.com/#!/album/3760107400079

 

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