ut pictura musica… sentita… Continuo… Biber

Denis Grenier
Ecrit par Denis Grenier

 

Les Sonates du Rosaire

Heinrich Ignaz Franz Biber

Les Dominos

Florence Malgloire

Psalmus, PSAL 018, 2013

Les Sonates du Mystères du Rosaire, de Heinrich Ignaz Franz Biber, 1644 – 1704, forment un recueil de quinze sonates pour violon seul et basse continue, composé vers 1676 ? auquel est adjointe la Passacaille de l’Ange gardien, pour violon seul, pour la Confrérie du Rosaire de Salzbourg, dédié au Prince-Archevêque.

« (..) Voici un recueil de pièces de toutes sortes pour lesquelles j’ai réglé

les quatre cordes de ma lyre de quinze manières différentes —

sonates, préludes, sarabandes, airs ; une chaconne, des variations, etc. et avec basse continue, travaillées avec le plus grand soin et la plus grande recherche que mes dispositions ont permis.

Si vous voulez connaître la clé de ce nombre, la voici : j’ai tout mis sous le signe des Quinze mystères Sacrés que vous soutenez avec tant d’ardeur (…) »

(Dédicace à Maximilian Gandolph von Khünburg).

.

Les Sonates constituent les Cinq Mystères joyeux, les Cinq Mystères douloureux puis les Cinq Mystères glorieux. Mais si l’ordre chronologique de l’Histoire de Jésus et de la Vierge est respecté, l’oeuvre n’a véritablement aucun caractère descriptif. Ce sont de véritables poèmes sonores, des tableaux de méditation en musique, entre suite de danses, courantes, sarabandes, gigues, chaconnes … et variations, ou bien comme dans les sonates da chiesa, une alternance de mouvements rapides et lents, avec une hauteur de vue, une éloquence instrumentale pleine de ferveur, une esthétique pour une profonde intériorité spirituelle et mystique. C’est une œuvre surprenante, pleine de contrastes d’une sonate à l’autre, entre les mouvements de chaque sonate, à l’intérieur de chaque mouvement même, avec une expression riche d’affetti, avec une expressivité presque exacerbée : des mélodies nées de la connivence avec la mélodie vocale, dans une superposition polyphonique de mélodies, composant un alliage avec les instruments complices du continuo, avec une grande inventivité, une créativité sans pareille, c’est une œuvre majeure du XVIIè siècle !

.

La poésie naît d’un jeu au violon à deux, trois ou quatre cordes simultanément, avec une virtuosité nouvelle à cette époque, mais de plus l’exploitation systématique du procédé de la scordatura ou « désaccord » qui consiste à modifier l’accord habituel de l’instrument, pour l’une des cordes ou la totalité d’entre elles (plusieurs violons sont nécessaires pour un même concert), facilite le jeu polyphonique en fonction des effets harmoniques recherchés. C’est une tradition qui vient du luth, et de la viole de gambe, qui vient du passé, alliée à la modernité des accords sur plusieurs cordes. Le procédé, qui produit plutôt au final un accroissement de la difficulté technique, est aussi un moyen d’amplifier le volume sonore, dont le luth et la viole sont familiers. La scordatura n’est pas seulement utilisée pour une sonorité plus profonde, plus totale de l’instrument, mais aussi selon l’écriture de la sonate, les spécificités des motifs, qui seront d’autant mieux servis ou davantage liés aux gestes dans cet accord là.

.

L’expressivité musicale d’une telle concentration, dans une œuvre toujours à reconstruire, ici sous les doigts et l’archet de Florence Malgloire, et des « complices de rêve » aux autres instruments, dans une diversité des timbres et de résonances qui change la couleur et la profondeur sonore de l’instrument, avec une vivacité ou une intériorité qui portent à la contemplation et à la plénitude des dernières pièces, est d’un raffinement et d’une force pleine de mouvement : l’oreille multiplie les points d’écoute pour le violon qui chante, jusque dans la joie de la danse, dans l’Ascension, par exemple, avec un souffle teinté de mille affects.

                                                              Thérèse Bécue

¨¨¨

Accord des quatre cordes du violon pour chacune des Sonates 

File:Mysterien sonate.jpg

 

¨¨¨

     écouter Florence Malgloire,

http://www.youtube.com/watch?v=R0PwKqO3n_w

http://player.qobuz.com/#!/album/3760173760190

¨¨¨

Laisser un commentaire