ut pictura musica… sentita… Continuo… Schmelzer

Denis Grenier
Ecrit par Denis Grenier

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Sacro-profanus Sonatas

Johann Friedrich Schmelzer

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Ensemble Masques

Olivier Fortin

 

Zig Zag, ZZT334, 2013

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Né en Basse-Autriche entre 1620 et 1623, et mort à Prague en 1680 de la peste, Johann Friedrich Schmelzer joue d’abord du cornet puis devient violoniste à la Cour impériale de Vienne, pour devenir KapellMeister à la fin de sa vie. Il aura aussi été le Maître de musique pour les danses du mariage de l’Empereur Leopold Ier en 1658, à Francfort.

Maître de Biber, violoniste virtuose, Schmelzer est un compositeur d’une vitalité pleine de fantaisie dans le Stylus Fantasticus. Les compositeurs Buxtehude, Reincken, Brühns, Rosenmüller, Weckmann et Biber évoqués précédemment représentent chacun un pan du Stylus Fantasticus des pays germanophones en plein XVIIè siècle, sur à peine deux générations.

C’est la forme de composition la plus libre et la moins contrainte,

qui n’est liée à aucun texte, à aucun sujet mélodique.

Il a été institué pour faire preuve de génie et enseigner les formes harmoniques cachées,

ainsi que d’ingénieuses compositions de phrases et de fugues.

Musurgia universalis, sive ars magna consoni et dissoni, 1650, Athanasius Kircher

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En opposition en Italie au stil antico, ce style désigne une manière empreinte de liberté et de fantaisie qui ne respecte ni la mesure, ni la structure harmonique, ni la conduite contrapuntique, tant de surprises y sont possibles, en contrastes ou imprévus. Mais aussi le violon est-il poussé à de nouvelles possibilités de jeu : le virtuose peut égrener des guirlandes, arracher des sons aux cordes, ou jouer en doubles ou même triples cordes. Le violon italien est non seulement adopté, mais porté à une expressivité virtuose, qui demande à l’interprète un engagement dans son jeu, une inventivité dans la multiplicité des gestes et des coups d’archet, une habileté liée à une musicalité de chaque instant.

 

Toutes sortes de progressions par ailleurs inaccoutumées, d’ornements cachés, de tours et de colorations ingénieux sont amenés sans souci d’observer la mesure ou la tonalité, sans considération pour ce qui est placé sur la page, sans thème ni ostinato formel, sans thème ou sujet à mener à bien … 

Johann Mattheson 1739

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L’écriture des sonates et diverses pièces de Schmelzer peut proposer des passages d’un contrepoint dense et serré, dans la forme fugue, des passages de variations sur une basse obstinée, propice à l’ornementation, aux diminutions traits de notes ajoutées entre les notes écrites, avec éventuellement l’apport d’un rythme, quelques volutes – , insérant de temps à autre des rythmes de danses et des motifs de chansons populaires, dans une composition construite. Il est requis de la part des interprètes une créativité, un sens de l’instant, des qualités d’improvisation avec de la verve et une spontanéité qui en font une musique extrêmement vivante, d’un chatoiement aux mille couleurs, et cependant l’architecture globale doit conserver sa construction et ses grands traits.
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L’ensemble Masques réalise ici un ensemble de Sonates d’une douceur colorée, avec délicatesse, aux sonorités riches en harmoniques, avec une clarté du propos, une continuité du discours musical qui peut être interprété avec un élan enjoué, une tonicité des rythmes, ou bien avec une légèreté bienvenue de la danse, ou même de l’humour auquel se divertit un basson presque gouailleur, mais aussi dans une poésie tendre, ou teintée de gravité, jusqu’à un moment de contemplation, ou une beauté de l’instant musical.

Les interprètes font preuve d’une souplesse infinie, dans la diversité des expressions, dans la finesse de la mélodie qui chante à souhait, et dans le tournoiement des mille et une facettes qui virevoltent, l’auditeur parcourt cet univers comme s’il s’y glissait.

                                                               Thérèse Bécue

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A la Cour des Habsbourg au XVIIè siècle se succèdent Ferdinand III, 1608 – 1657, puis Leopold I, fils de Ferdinand, 1640 – 1705, Empereurs du Saint Empire romain germanique, deux représentants de la dynastie des Habsbourg particulièrement mélomanes, et même compositeur pour le second. Malgré la période profondément troublée et sinistre de la Guerre de Trente ans, de 1618 à 1648, qui retentit sur les différents royaumes et principautés de l’Empire, Vienne sera une capitale politique, économique, puissante et fastueuse, une métropole culturelle, particulièrement dans le domaine de la musique. 

Les musiciens de cette époque sont parfois des voyageurs, mais aussi avec la transmission par les maîtres ou les rencontres qu’ils peuvent faire à leur poste de musicien – instrumentiste ou compositeur, maître de chapelle, organiste, ou maître d’ensemble instrumental – dans diverses Cours ou au service de prélats exercent-ils une dynamique particulière au centre de l’Europe. Les influences anglaises du consort et la suprématie franco-flamande avec une apogée de l’écriture contrapuntique s’estompent pour une ouverture sur l’Italie, où le violon prend son essor, où les couleurs se déploient, particulièrement à Venise, et où l’innovation de l’écriture avec la seconda pratica s’affirme ; les échanges entre le Nord de l’Italie et de toute la partie Sud de l’empire germanique sont nombreux. La musique de ce XVIIè siècle allemand est foisonnante, et un grand nombre de compositeurs laissent des œuvres vocales ou instrumentales touchantes et convaincantes, et de qualité.

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http://player.qobuz.com/#!/album/3760009293342

http://www.youtube.com/watch?v=9xyEFngG1Go

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L’ensemble Masques

http://blogs.qobuz.com/denisgrenier/2013/07/10/ut-pictura-musica-continuo-rosenmuller/

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