ut pictura musica… Continuo… di Ferruccio Nuzzo – XIII – C. P. E. Bach… Alberto Rasi

Ferruccio Rembrandt
Denis Grenier
Ecrit par Denis Grenier
Stradivarius, STR33975, 2013

Stradivarius, STR33975, 2013

Carl Philipp Emanuel Bach

Sonates pour viole de gambe

Alberto Rasi, viole de gambe

Patrizia Marisaldi, clavecin ; Claudia Pasetto, viole de gambe

Stradivarius (56:28)

http://www.qobuz.com/album/carl-philipp-emmanuel-bach-viola-da-gamba-sonatas-alberto-rasi-patrizia-marisaldi-claudia-pasetto/8011570339751

 « Quoi de mieux qu’une viole de gambe ?  » se demandait Louis XIV ; « deux violes de gambe » était la réponse du Roi Soleil, qui adorait cet instrument, protagoniste de la musique du XVIIe et de la première moitié du XVIIIe siècle. Un siècle plus tard, Carl Philipp Emanuel Bach confie à ces sonorités magiques, destinées à disparaître, trois de ses plus mémorables Sonates, maintenant enregistrées dans une interprétation raffinée et sensible par Alberto Rasi.

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Les deux Sonates et le Trio (Sonate en forme de trio) pour viole de gambe de Carl Philipp Emanuel Bach constituent un ultime et grandiose spasme « hors du temps » pour sauver de la menace de l’oubli un instrument qui désormais, et malgré les polémiques acharnées de ses plus ardents défenseurs, avait dû succomber dans la confrontation avec le violoncelle « misérable bourricot, odieux et pauvre diable », après avoir déjà depuis longtemps cédé au violon « à l’âme de géant dans le corps d’un nain » plusieurs de ses prérogatives (ces citations sont tirées de « La Défense de la viole de gambe contre les entreprises du violon et les prétentions du violoncelles » d’Hubert le Blanc).

C’est peut-être justement pour cela que j’ai souvent vu dans ces compositions – plus que toute autre, peut-être, imprégnées du sentiment et de la profondeur psychologique qui habite l’œuvre du fils de Bach – comme un témoignage extrême d’un fidélité nostalgique à l’instrument qui avait le mieux illustré la musique du XVIIe et de la première moitié du XVIIIe siècle.

Carl Philipp Emanuel – lequel plus et mieux que tous ses frères transmet la gloire du Père – rénove le langage d’une musique capable de « communiquer avec le cœur en parlant à l’imagination », articulant tout au long du discours des « affetti » qui tirent des sonorités sensuelles et précieuses de la viole de gambe des significations fragiles et secrètes, inaccessibles au violon extraverti et au violoncelle, désormais destinés à bien d’autres exhibitions.

Le Véronais Alberto Rasi est l’interprète idéal de la nostalgie exaspérée de ces chefs d’œuvre, avec une virtuosité toute intérieure, une invitation à pénétrer dans l’extrême refuge où un instrument resplendissant chante d’ultimes vérités pleines de tristesse. Avec lui Patrizia Marisaldi et Claudia Pasetto illuminent le parcours d’une ré-évocation raffinée.

Traduit de l’italien par Denis Grenier.

 

Alla prossima…

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Image 9

Critique musical aux côtés de Giorgio Vigolo (Il Mondo) et de Piero Dallamano (Paese Sera) dès le début des années ‘60, interprète du rôle de l’apôtre dans L’Évangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini (1964), Ferruccio Nuzzo a également été responsable avec William Weaver des programmes culturels de la Rai à destination des USA. Proche du pianiste Arturo Benedetti-Michelangeli, de la Callas et autres artistes, fréquentés à la Scala de Milan et ailleurs, il a participé à l’évolution culturelle de l’Italie en compagnie d’Elsa Morante, d’Alberto Moravia et de plusieurs autres intellectuels de la Péninsule.

Artisan avec des collègues de la création de Discoteca, premier mensuel de son pays dédié au microsillon, il a, plus récemment, été l’un des producteurs de l’émission Appasionata de la RCF (Radios Chrétiennes Francophones) consacrée aux nouveautés discographiques de musique classique.

Pour le site Internet Grey Panthers, http://www.grey-panthers.it/category/ideas/pensieri/musica/, il tient aujourd’hui la chronique hebdomadaire de récension discographique La Mia Musica, Suggerimenti d’ascolto.

Ancien photographe officiel du primat des Gaules, Ferruccio Nuzzo est surtout photographe de société ; on peut voir une partie de son œuvre sur le site http://www.flickr.com/photos/sorferru/.

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