ut pictura musica… Continuo… di Ferruccio Nuzzo – XXII – Minoriten Konvent – Louis-Gabriel Guillemain Amusements

Denis Grenier
Ecrit par Denis Grenier

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article de Ferruccio Nuzzo

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Feruccio Nuzzo

Feruccio Nuzzo

Minoriten Konvent   

Biber, Viviani, Vojta, Faber, Teubner – Stephanie Paulet: violino, Elisabeth Geiger: organo – MUSO (72’32)

Luis-Gabriel Guillemain  

Amusements – Stéphanie Paulet: violino, Aliquando – MUSO (68’37)

 

Muso, mu 008, 2015

Muso, mu 008, 2015

À l’écoute de ce cd tant de pensées affluent dans mon esprit. Nous avons développé depuis plusieurs années une fascination pour la sonorité des instruments baroques, révisant ainsi nos critères esthétiques et nos choix dans l’appréciation des interprétations de la musique de ces temps anciens. Nous avons accueilli sereinement les souffles des premières flûtes traversières (presque plus souffle que son…) e les aspérités des instruments à archet, accentuées par les enregistrements numériques qui, à cette époque, croyaient devoir restituer toutes les fréquences aigues que l’analogique et le Dolby avaient éliminées. Et à travers quelle souffrance – surtout si on ne tempérait pas assez les fréquences entendues en vrai â partir des mêmes instruments – nous nous sommes adaptés à une idée erronée des sons de l’époque, finissant par en accepter les désagréments comme un tribut à payer à la fidélité historique.

Et voilà qu’arrive la surprise magique, découverte par le truchement d’une une des émissions de Continuo, durant lesquelles Denis Grenier nous révêle – de Québec, tous ls dimanches de 15h à 18h – les merveilles de notre musique ancienne (italienne et et européenne). J’ai été enchanté avant même d’identifier la musique entendue et je me suis procuré au plus vite le cd per me rendre compte et à vous dans la sélection de décembre.

La musique est celle du Manuscrit XIV 726 du couvent des Minorites de Vienne, connu depuis longtemps des musicologues mais encore mais encore peu exploré par les musiciens. Nous sommes à la fin du XVIIe siècle et la littérature violonistique fleurit au nord des Alpes, indépendamment de ce qui se passe en Italie, grâce au progrès de la lutherie, à l’émulation entre les musiciens de cour, et aux nombreux concours pour accéder aux charges les plus attrayantes. Et le programme du cd rend compte des progrès de la technique ; musiques virtuoses avec plusieurs passages écrits en forme de prélude improvisé, même si tout est consigné au pentagramme, mais en forme d’improvisaion. L’auteur le plus connu est certainement Heinrich Ignaz Franz von Biber – le principal protagoniste de l’école violonistique germanique de l’époque – avee l’Adagio de sa Sonate no. 84, mais l’Italien Giovanni Bonventura Viviani est également présent, de même qu’un certain compositeur austro-hongrois inconnu, et divers anonymes.

Et c’est, surtout, le son, le son magique, merveilleux du violon de Stéphanie Paulet duquel nous parlons. Un violon qui trace librement, sans aucun embarras culturel, les architectures complexes de cette musique barochissime, et un son qui a en lui la force de la révélation et la lumière de la vérité. L’accompagne  – indispensable contribution à l’élévation des architectures susdites – le son séduisant de l’orgue positif, le seul survivant du mythique Silbermann, récemment restauré dans son état d’origine, touché de main de maître par Élisabeth Geiger. La registration, contribution indispensable à la magie de l’évocation, est splendide : un cd parfait.

On peut voir les solistes et écouter la Sonata no. 77 d’un Anonyme sur YouTube.

Stéphanie Paulet et Élisabeth Geiger

Stéphanie Paulet et Élisabeth Geiger

https://www.youtube.com/watch?v=BLK1dggmSoI

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Muso. mu 004, 2012

Muso. mu 004, 2012

Puis je ne pouvais en faire moins, et je me suis procuré l’autre cd enregistré par Stéphanie Paulet chez MUSO, une jeune maison discographique qui a mis les interprètes, leur enthousiasme, et leurs aspirations (et leurs exigences, trop souvent ignorées), au centre de sa politique éditoriale, présentant un catalogue de musique rare, voire inconnues. Avec ces Amusements (Divertissements) de Louis-Gabriel Guillemain – malheureux Premier Violon du Roy – et compositeur de musiques virtuoses, géniales, extraordinairement variées et animées de l’élégance non superficielle du Siècle des lumières – Stéphanie Paulet nous révèle un autre aspect de ses multiples talents.

Loin de la rigueur dense des compositions du Manuscrit, ces musiques sont un défi à la technique et à la légèreté de l’interprète. Guillemain était – aux dires de ses contemporains – « le violon le plus rapide et extraordinaire qu’il se puisse entendre. Sa main est effervescente ,,, et lui seul en fait naître des musiques qui souvent embarrassait ses rivaux ,,, ses œuvres sont pleines des plus piquantes beautés ». Stéphanie Paulet n’est en rien embarrassée et la musique court heureuse à travers une sélection de compositions qui vont du violon seul à l’ensemble au sein duquel la soliste voltige accompagnée de la flûte ou de la musette, également soutenue par le clavecin et la viole de gambe de l’ensemble Aliquando.

Écoutez des extraits de Amusements

http://www.qobuz.com/fr-fr/album/louis-gabriel-guillemain-amusements-stephanie-paulet/5425019973049

[traduit de l’italien par Denis Grenier]

Alla prossima…

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Critique musical aux côtés de Giorgio Vigolo (Il Mondo) et de Piero Dallamano (Paese Sera) dès le début des années ‘60, interprète du rôle de l’apôtre dans L’Évangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini (1964), Ferruccio Nuzzo a également été responsable avec William Weaver des programmes culturels de la Rai à destination des USA. Proche du pianiste Arturo Benedetti-Michelangeli, de la Callas et autres artistes, fréquentés à la Scala de Milan et ailleurs, il a participé à l’évolution culturelle de l’Italie en compagnie d’Elsa Morante, d’Alberto Moravia et de plusieurs autres intellectuels de la Péninsule.

Artisan avec des collègues de la création de Discoteca, premier mensuel de son pays dédié au microsillon, il a, plus récemment, été l’un des producteurs de l’émission Appasionata de la RCF (Radios Chrétiennes Francophones) consacrée aux nouveautés discographiques de musique classique.

Pour le site Internet Grey Panthers, http://www.grey-panthers.it/category/ideas/pensieri/musica/, il tient aujourd’hui la chronique hebdomadaire de récension discographique La Mia Musica, Suggerimenti d’ascolto.

Ancien photographe officiel du primat des Gaules, Ferruccio Nuzzo est surtout photographe de société ; on peut voir une partie de son œuvre sur le site http://www.flickr.com/photos/sorferru/.

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