ut pictura musica… Continuo… di Ferruccio Nuzzo – XXVI – Marin Marais – Jeux d’harmonie The Bach Album

Denis Grenier
Ecrit par Denis Grenier

*

un nouvel article de Ferruccio Nuzzo

*

Feruccio Nuzzo

Feruccio Nuzzo

Marin Marais

rasi

Alberto Rasi

<Si une oeuvre d’art survit, c’est seulement parce que nous pouvons encore l’extraire de la fixité de sa forme ; transformer cette forme en nous en un mouvement vital ; la vie nous la lui donnons ; plusieurs vies et pas seulement une… >, disait Pirandello à travers le Docteur Hinkfuss de Ce soir on improvise.

L’oubli de cette vérité fondamentale fût – hélàs – le prix à payer pendant tant de longues années pour l’affranchissement de la musique ancienne – et baroque en particulier – des pratiques souvent humiliantes de la transcription, des adaptations auxquelles cette musique a dû d’abord payer un lourd tribut avant de parvenir à notre oreille. C’est ainsi que Johann Sebastian Bach fut celui défini par Nikolaus Harnoncourt ou Gustav Leonhardt, et malheur à celui qui se réclamait de la liberté. Aussi, si je peux comprendre, et en un certain sens, justifier, l’intégrisme de ces années, il faut reconnaître que cela a conditionné la vitalité de la vitalissime musique baroque, la contraignant, la réduisant à une rigueur à la longue mortifiante.
Et c’est avec joie et enthousiasme que j’accueille les enregistrements qui, comme celui d’Alberto Rasi, confirment l’énoncé pirandellien (comme, d’autre part, ses autres cd dont je vous ai parlé, de John Jenkins et de Carl Philipp Emanuel Bach.)
Jordi Savall nous avait pendant tant d’années hypnotisés avec sa viole de gambe, grâce à lui révélatrice de tant de chefs-d’oeuvre oubliés, nous charmant avec elle dans ses voluptueuses et séduisantes découvertes dont il semblait désormais impossible de se libérer. Et voilà qu’Alberto Rasi vient nous éveiller avec un merveilleux Marin Marais d’une tout autre inspiration, finalement libéré du cliché romantique de Tous les matins du monde. Les Jeux d’harmonie de Marais évoqués par l’archet d’Alberto sont philosophiques, quasi austères, immergés et lévitants dans une aura enchantée et sans aucune surenchère d’effets, et l’instrument concentre dans sa solitude, non distraite par aucun accompagnement ni entraînée dans les marécages de la basse, toute l’intensité d’un songe riche de symboles et d’allusions.
 
Et dans la video de La Rêveuse vous pourrez, justement, voir Alberto Rasi dans sa magistrale, solitaire, évocation, alors que le Jeu du Volant est l’occasion d’un jeu de paroles/images.
[traduit de l’italien par Denis Grenier]
 
Qobuz
Marin Marais :

Alla prossima…

*

Image-9-150x150

Critique musical aux côtés de Giorgio Vigolo (Il Mondo) et de Piero Dallamano (Paese Sera) dès le début des années ‘60, interprète du rôle de l’apôtre dans L’Évangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini (1964), Ferruccio Nuzzo a également été responsable avec William Weaver des programmes culturels de la Rai à destination des USA. Proche du pianiste Arturo Benedetti-Michelangeli, de la Callas et autres artistes, fréquentés à la Scala de Milan et ailleurs, il a participé à l’évolution culturelle de l’Italie en compagnie d’Elsa Morante, d’Alberto Moravia et de plusieurs autres intellectuels de la Péninsule.

Artisan avec des collègues de la création de Discoteca, premier mensuel de son pays dédié au microsillon, il a, plus récemment, été l’un des producteurs de l’émission Appasionata de la RCF (Radios Chrétiennes Francophones) consacrée aux nouveautés discographiques de musique classique.

Pour le site Internet Grey Panthers, http://www.grey-panthers.it/category/ideas/pensieri/musica/, il tient aujourd’hui la chronique hebdomadaire de récension discographique La Mia Musica, Suggerimenti d’ascolto.

Ancien photographe officiel du primat des Gaules, Ferruccio Nuzzo est surtout photographe de société ; on peut voir une partie de son œuvre sur le site http://www.flickr.com/photos/sorferru/.

Laisser un commentaire