Hommage à Michel Bernstein du label Arcana

Michel Bernstein

Demain soir samedi 28 mars, l’Eglise Saint Séverin accueillera l’ensemble Dialogos dirigé par Katarina Livljanić pour un concert donné à la mémoire du producteur Michel Bernstein, consacré à Abbon, abbé de Fleury, l’un des esprits les plus remarquables de son temps, dans un programme intitulé ” Abbo Abbas “, paru sur disque récemment aux Editions discographiques d’Ambronnay.

” Abbo Abbas ” redonne vie aux polyphonies les plus archaïques de l’Occident médiéval, provenant des abbayes de Fleury-sur-Loire et de Winchester. Loin de l’exercice rhétorique, quatre voix de femmes y font dialoguer les riches mélodies du Xe siècle avec des improvisations virtuoses dans le style des chantres de l’an mil. Fruit d’une collaboration avec la musicologue Susan Rankin, spécialiste de Winchester, ce programme inédit de Dialogos fut le dernier enregistrement sur lequel travailla Michel Bernstein, et au cours duquel il mourut brusquement le 31 octobre 2006.

Nous avons pensé que Michel Bernstein, qui fut l’un des plus grands producteurs de la seconde moitié du XXe Siècle, qui connut plusieurs vies discographiques, fondateur de Michel Bernstein, puis de Astrée, puis de Arcana, ne pouvait pas être absent de cette série de portraits. Les photos ici présentées ont été réalisées en 2004 à Nantes, où Michel Bernstein avait installé ses bureaux au Palais des Congrès.

Bernstein était un producteur et un éditeur : il était à la fois l’homme de l’enregistrement, quoique pas toujours celui de la prise de son ; et l’homme de l’objet final. Toute sa vie durant et bien avant qu’on mette le bel objet manufacturé comme rempart au déclin du disque physique, dès les années 50 et 60, il s’employa à ce que ses disques soient superbement présentés, belle typo, textes de qualité. Il était un homme de livre, et dans la bibliothèque de son bureau conservait précieusement une collection complète des ouvrages publiés par les éditions Skira.

Aventureux artistiquement, avec les pieds de sa formation esthétiques dans les années 50 et la découverte émerveillée du microsillon, il sut être extraordinairement moderne toute sa vie. Passionné de musique de chambre, son rêve était pourtant d’enregistrer Pelléas et Mélisande, et il s’amusait à rêver à une distribution qui eut été idéale, et qui resterait à jamais inaccessible. Mais son grand de pied de nez à l’histoire fut la manière souveraine dont il permit l’éclosion du baroque et de la musique ancienne au disque. A Jordi Savall et ses ensembles il donna le plus bel écrin qu’un éditeur puisse donner : la fidélité. Jusqu’au moment où il dut vendre hélas son label, à des gens qu’il n’aimait pas et qui ne surent pas l’aimer non plus.

Nouvelle vie, nouvel âge. A 60 ans passés, Michel recommença tout. Une vie, une famille, un label – et ce fut ARCANA. Et là encore, après des débuts difficiles, les faits lui donnaient raison visiblement lorsque, certainement fatigué d’une vie de défis et d’une certaine manière de fuite en avant, il s’éteignit.

Ses disques sont immortels eux. Beaucoup d’entre eux, ceux de Jordi Savall en particulier font l’objet d’une réédition actuellement sous le label Alia Vox disponible en téléchargement sur Qobuz.

Chez Naïve, qui a acquis la propriété des enregistrements ASTREE, les disques de Michel Bernstein sont à peu près tous disponibles. Il serait bon, et intelligible pour les générations à venir, qu’ils soient réunis en collection : le discours éditorial, sur la durée, est essentiel pour faire perdurer une histoire du disque “dans son jus”, qui ne soit pas seulement un amas de masters. Beaucoup d’enregistrements de l’époque Valois, qui ne paient pas de mine, étaient extraordinaires. On pense aux enregistrements du Quatuor Danois, ou à ceux de Robert Riefling.

Et puis, on espère que les enregistrements ARCANA, ceux de sa dernière jeunesse, réapparaitront bientôt.

On espère surtout, sans pourtant pouvoir en être sûr – mais c’est la bienséance qui devrait ici être entendue – que personne n’osera dans le futur utiliser la marque ARCANA pour y publier un nouvel enregistrement – tant on se souvient à quel point Michel Bernstein, à personne n’était comparable.

L’Année Haydn, il l’avait bien sûr en ligne de mire quand il débuta l’intégrale des quatuors par le Quatuor Festetics. Il restait à sa mort un album, enregistré, non monté, à paraître pour conclure l’intégrale. Où est-il ?

Michel Bernstein

MICHEL BERNSTEIN, Arcana
Photos d’archives – (c) LMG – Droits réservés
Exceptionnellement, ces photos ne sont pas de Jean-Baptiste Millot

Laisser un commentaire