Pierre-Emile Barbier du label Praga Digitals

Pierre-Emile Barbier

Il fut un temps où le disque était tout autre. Où faire un disque, c’était, dans le classique, graver dans le marbre, poser pour l’éternité, imprimer un testament.

En ce temps là, Pierre-Emile Barbier n’était pas encore producteur de disques. Il était critique à ses heures de passion, auprès de Armand Panigel à la revue Disques, membre de la Tribune des Critiques de disques, puis critique à Diapason. Je vous parle d’un temps que vous n’avez peut-être pas connu. Le reste du jour, PEB était ingénieur, chez Thomson.

La retraite approchant, notre homme songea à passer de l’autre côté du miroir et, pour ainsi dire motorisé, passez-nous l’expression, par son amour immodéré pour le répertoire tchèque et les artistes tchèques – au premier rang desquels le formidable Quatuor Prazak, il créa le label Praga Digitals, après une première série de disques d’archives issues de la radio tchèque, parus sous label Praga tout court.

On entend dire parfois que les critiques sont des artistes ratés, ou des producteurs complexés. On connait peu souvent l’exemple inverse : le voilà.

De sa génération, Pierre-Emile Barbier est sans doute l’un des derniers encore parmi nous à pouvoir vous raconter ce que furent les grandes années du vinyle, pour l’amateur la promesse de culture et de civilisation que ce support apporta.
Jeune homme dans les années 50 et 60, si vous ne l’avez pas été vous-même, vous ne saurez pas. PEB, oui. Il a reniflé, aimé cette grande époque ; il a connu l’émerveillement, la découverte des répertoires, des artistes de ce temps-là. Il a connu un Paris aux 300 disquaires et surtout : un métier de la musique enregistrée qui avait son avenir devant lui.

Quand Pierre-Emile Barbier a créé son label, si tard, il le tissa avec ses rêves de jeunesse. Voilà pourquoi Praga, Praga Digitals pardon, est le plus beau label de musique de chambre de ces trente dernières années. Qui n’a pas produit un seul mauvais disque, ou un seul disque mal enregistré ; qui n’a pas fait un seul faux pas.

On ne lui fera pas un enterrement de première classe de son vivant, à ce cher vieux grigou PEB. Mais c’est ici l’occasion, parce que la photo est si réussie, et lui ressemble tellement, de lui dire qu’on l’aime, et que quoiqu’il fasse, sous ses différentes casquettes, Tonton PEB, il nous a fait aimer le disque, et les artistes.

PS – Le label Praga Digitals n’est toujours pas disponible en numérique, nulle part. Achetez donc ses disques !

Photo : Jean-Baptiste Millot
Texte : Hannah Krooz

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