Ne dites pas à Alain Lanceron qu’il fait partie d’une puissante major : il se considère comme un vrai indépendant, EMI Classics étant un gros indépendant, voilà tout.
De fait, la manière dont Alain travaille et produit des disques depuis… oh, combien d’années ?… on ne le dira pas… est la manière ancienne, traditionnelle – celle d’un indépendant d’aujourd’hui – la seule bonne. En leur temps, Decca, Deutsche Grammophon ou Philips furent des labels indépendants, il ne faut pas l’oublier. Travail sur le long terme, suivi des artistes, accompagnement des carrières.
Quand d’autres seraient blasés, se lasseraient, dans le contexte un peu désespérant de ces années noires, Alain Lanceron affiche encore enthousiasme et profil de jeune homme ; il possède cette « niaque » irréductible, absolument inchangée, à défendre ses projets, ses artistes ; et un tempérament de mère-poule ombrageuse, qui veille au grain, et ne cèdera rien.
Avec cela : une vaste et brillante culture lyrique ; une carrière dont les lauriers sont innombrables (donnons deux exemples : la discographie de Plasson à Toulouse, un miracle qui ne se renouvellera pas de sitôt, ou la signature du jeune Roberto Alagna a ses débuts) ; une fidélité à ses amitiés et à ses dettes d’homme. Et le goût du futur plutôt que du ressassé. Voilà pourquoi Alain ne lâche pas le morceau. Ses dernières et éclatantes réussites se nomment Philippe Jaroussky et David Fray. Des personnalités énormes, des musiciens impeccables, et des stars à l’évidence.
Si Alain a du goût et une « feuille » implacable, il possède un sens aigu, inné du marketing de ses artistes. Ses signatures sont donc non seulement fondées artistiquement, mais aussi vendables, et vendeuses. Alain Lanceron a beau produire avec la manière ancienne, il joue admirablement de son public, et assure le service avant-vente. Il intervient, il se mouille, il prend le téléphone au besoin. Et pourquoi pas ?
Serait-il devenu peu à peu ce parrain du disque classique en France, tel que dessiné en creux par le sévère Alain Duault, à l’occasion des dernières Victoires de la Musique Classique ?
C’est plus subtil et plus complexe. Urbanité et délicatesse ne sont pas inconciliables avec une certaine fermeté d’action qui correspond à ses convictions. On ne dit pas qu’il est troublant – on dit qu’il défend la position de la major la plus active dans le champ classique, et quand on dit « défend », on l’imagine , d’abord en interne, défendre en effet sa liberté d’action, et de production.
A lui seul il représente aujourd’hui ce qu’il y a de meilleur dans cette industrie, à qui on fait les reproches les plus contradictoires, et parfois les plus exotiques. Parce qu’il possède autorité, expérience et sagesse, il est fondé à parler en son nom. Qui d’autre en France, après tout, en serait plus digne, aux Victoires ?
Les catalogues sont disponibles en téléchargement et en qualité CD (quelques albums en Studio Masters) sur Qobuz :
Virgin Classics
EMI Classics
Photo : Jean-Baptiste Millot
Texte : Hannah Krooz
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