Frédéric Lodéon a été l’un des plus grands violoncellistes français de l’après-guerre. Ses disques nombreux en témoignent, et aux plus jeunes, on conseille vivement de les écouter : un instrumentiste magnifique au goût impeccable, doublé d’un bretteur doté de finesse et d’élégance. Et le sens de la prise de risque, qui change tout. Un artiste, quoi. Il sort beaucoup de violoncellistes, à chaque génération : beaucoup de très bons, mais si peu qui flamboient vraiment… Il était de ceux-là.
Et puis, un jour, surexposé longtemps et, allez savoir, envie d’arrêter. Frédéric a posé archet et violoncelle, a disparu, puis réapparu. À celui qui l’a placé là où il est, devant un micro, il faudrait se rappeler de dire merci.
Avec la politesse de l’homme cultivé, il s’est mis au service de la musique classique autrement qu’en jouant de son instrument, en en devenant le conteur. Un conteur dont on connait la verve, les anecdotes, la jovialité et dont on aurait tort de sous-estimer la finesse et l’esprit. Il a bousculé les audiences radio sur France Inter, il a osé faire gai et amical quand tant de sinistres pensent qu’il convient de faire emmerdant. Ce n’est pas rien.
Lodéon, tout le monde vous le dira, est l’un des hommes les plus bienveillants du métier. À son confrère, le confrère Lodéon, passé à la radio, donnera toujours un coup de pouce pour un concert dont la réservation se présente mal. Lodéon n’hésite pas à sortir du cadre pour soutenir un événement libre et peu institutionnel, car il est un musicien et, c’est bête à dire, il sait de quoi il parle.
La musique a ses croyants d’une part, et ses pratiquants de l’autre. Lodéon est du côté des pratiquants. Comme les musiciens, il affiche des admirations et des fidélités qui ne coïncident pas toujours avec celles des simples mélomanes que sont les journalistes pur sucre.
Otez-vous vite s’il venait à vous considérer comme un truqueur ! Il ne vous assassinera certainement pas à l’antenne, car il est là pour faire aimer d’abord, mais il ignorera. Bienveillant ? Oui, mais dans certaines limites !