Le label Æon

Le label Æon

Du catalogue du label Aeon fondé par Kaisa et Damien Pousset en 2001, riche de plus de quatre-vingt références déjà, se dégage un patient travail d’éditeur fondé sur le développement de deux collections complémentaires : l’une, strictement contemporaine, dédiée aux monographies de compositeurs des XXe et XXIe siècles – la diffusion de la musique contemporaine reste l’une des principales missions que s’est donné le label ; l’autre, ouverte à un plus large répertoire, offre une expression singulière à des artistes pleinement adoubés, et toujours associés à la vie du label. Soit une véritable direction artistique.

Partir à la découverte d’Aeon, c’est s’engager dans un grand chemin spirituel, de la “Messe de Notre-Dame” de Machaut à “Patterns In A Chromatic Field” de Feldman, un chemin spirituel envoûtant, servi par des prises de non d’un naturel inouï. Un voyage exigeant sur la route duquel éclosent des interprètes souvent transfigurés.
Laissons parler Kaisa et Damien Pousset, les initiateurs de cette beauté… « A chaque parution, les mêmes bonheurs, les mêmes tracas, l’espoir indétrônable de parvenir à l’absolue beauté, une excitation collective au démarrage des projets, un contact quasi permanent avec ce que la musique revêt de plus émotionnel, de plus pur, cette fragilité des artistes mis à nus sous les micros — d’un voyeurisme indécent —, notre empressement à poser sur la platine le master tant attendu, puis, les surprises de la première écoute, ce moment critique de l’audition, l’enthousiasme qui soudain nous saisit, le désir irrépressible d’en communiquer l’émotion, de faire partager notre quête ininterrompue de disques rêvés, réalisés, la lente euphorie qui les accompagne durant près de deux ans, entre la conception des programmes et leurs sorties dans les bacs des disquaires. Le plus fascinant, c’est qu’il n’y a pas d’accoutumance à cela, comme la joie de l’enfance ressurgi chaque saison à la survenue des premiers flocons. Certes, notre époque produit considérablement de bruit. Echapper à la rumeur et à la rudesse des marchés est un combat de chaque instant, une sorte de progression à contre-courant. Les cours de la bourse ou l’indice de consommation des ménages, n’ont pas droit de cité dans le capital de promesse et de beauté dont nos artistes sont les hérauts, cette terre d’utopie où nous poussent nos aspirations les plus profondes. Il nous faut donc résister, nous entêter à « crier, dirait Thomas Hobbes, comme les oies du Capitole, au bruit des assaillants.
Derrière le cocktail de voyelles du mot « æon », en grec ancien, se dissimule en effet un vocable disant la durée – la pérennité, même – telle qu’en elle-même l’éternité ne la changera jamais… une sorte de puissance par laquelle peut s’exercer notre possibilité infinie d’agir sur le monde, de peser sur les choses et les destinées. »

Photo : © Jean-Baptiste Millot / www.qobuz.com – Reproduction interdite.

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