Une autre approche de l’opéra

Alain Pâris
Ecrit par Alain Pâris

On le sait, l’auditeur du XXIe siècle est impatient. Il ne tient pas en place et, en dehors du fervent wagnérien resté en liste d’attente pendant dix ou vingt ans avant d’avoir accès aux représentations de Bayreuth (ça se mérite !), notre mélomane vingt-et-unièmiste et zapeur invétéré aimerait que le concert ou la représentation soit terminée sitôt commencée. On se demande d’ailleurs à quoi tient le succès des symphonies de Mahler. J’admets qu’il y a des exceptions à tout.WEB-0295

Partant de ce constat qui se passe de commentaire, deux jeunes femmes, chanteuses de leur état, dépourvues d’engagements mais non d’idées heureuses, ont cherché à occuper leur temps libre en volant au secours de ces auditeurs que la durée d’une représentation d’opéra mettait dans des états d’angoisse incontrôlables. Une nouvelle forme de musicothérapie en quelque sorte. La démarche est simple : un opéra, c’est long, trop long pour certains. Il n’y a qu’à le racourcir. D’autres avant elles avaient pratiqué la compression musicale avec bonheur : vous souvient-il du Concerto popolare que Franz Reizenstein concocta pour les concerts Hoffnung ? et des Concertos brandebourgeois revisités par les Cambridge Buskers, eux-mêmes qui jouaient l’intégrale des symphonies de Beethoven en cinquante secondes !

Les modèles existaient, il suffisait d’appliquer. Voire d’enrichir car l’opéra, c’est ringard. Les mises en scène revisitées, c’est nul. Il faut du dé-jan-té… mais en restant chic. Respect de l’œuvre avant tout.

WEB-0014Prenez donc un compositeur non dépourvu d’humour pour opérer les compressions avec délicatesse (Olivier Rabet), sollicitez une jeune femme pleine d’idées pour mettre le projet en scène (Manon Savary), il ne reste qu’à trouver d’autres chanteurs. D’autres chanteurs, car le projet est ambitieux. Pour faire aimer l’opéra, il faut commencer par les chefs d’œuvre. Et tous ces chefs d’œuvre comportent une distribution fort bien nourrie.

A deux, c’est un peu juste.

Cinq, ce sera mieux.

D’accord, mais les tessitures, les types de voix ?

Problème.

Pas du tout, cinq femmes et elles chanteront tous les rôles. Très tendance, is not it ?

Et c’est parti pour le recrutement. Trois divas supplémentaires vont rejoindre Flore Philis et Marie Menand dans la tête desquelles avaient germé ce généreux projet (généreux car je pense toujours au résultat de la thérapie sur les patients atteints de la maladie de « trop long »). Pour l’orchestre, un quatuor à cordes suffira. Intégrez délicatement quelques recettes de music-hall, d’opérette et de théâtre. Laissez déjanter en douceur, un mijotage chic. Et servez tous les soirs au Théâtre Montparnasse. La démarche peut se compléter en écoutant le CD car le résultat est trop riche pour tout saisir d’emblée ; trop de détails nous échappent, il faut y revenir, d’une manière ou d’une autre. Comment ne WEB-0725pas mourir de rire en écoutant les onomatopées de l’ouverture de La Flûte enchantée ou devant le côté effarouché de Zerline (Alexandra Hewson) qui résiste à un Don Giovanni certes féminin (cf. le catalogue que brandit Leporello : Mr Muscle & co), mais en rien féminisé (Mathilde Legrand qui avait sauté avec bonheur dans le spectacle pour remplacer une diva empêchée). Etonnantes situations totalement décalées quand Sarastro, Escamillo ou le Commandeur s’expriment dans des registres de soprano ou de mezzo. Sans oublier la désopilante Jazmin Black Grollemund. Et ça marche !

Ça marche parce que nos cinq divas sont de remarquables musiciennes, formées à la Maîtrise de Radio France ou à la Schola Cantorum basiliensis, formées à toutes les disciplines de la scène ; on sent le temps de travail considérable mené en amont. Rien de commun avec d’autres divas dont les agents ne cherchent qu’à réduire la présence en répétition pour leur faire trouver ailleurs un maximum d’engagements pendant que le reste de la distribution travaille dur : plus de cachets, plus de commissions = usure prématurée des cordes vocales ; sans parler de déontologie.

On y revient toujours, l’opéra a besoin de se moraliser. D.I.V.A. y contribue.

 

D.I.V.A, tous les soirs au Théâtre Montparnasse et en CD (Decca)

Quelques liens utiles :

le site officiel de D.I.V.A

https://www.diva-opera-spectacle.com

présentation et extraits du spectacle:

 

Trois versions du Concerto popolare (Reizenstein/Hoffnung)

https://www.youtube.com/watch?v=ULppUVFtiHs

https://www.youtube.com/watch?v=PVC1AkIJh68&list=PLhTb4GgsrFT_VhPtXIYw3LBxKYlsTLqSM

https://www.youtube.com/watch?v=BV9YvlPSHZ8

Un concert des Cambridge Buskers à Tokyo

https://www.youtube.com/watch?v=1jEsK-uy64o&list=PLDcpbH1qIC0O-Se5gbgKGM9p7uYtPiNHq

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