Révisionnisme discographique ?

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Ecrit par Qobuz

Quand on rêve d’un site de musique en ligne idéal, on se dit que, les problèmes de durée et de remplissage du support physique n’ayant pas lieu d’être dans le domaine du numérique, le mieux serait de reconstituer peu-à-peu l’histoire du disque en accrochant comme sur une corde à linge les albums originaux “dans leur jus”.

Cette utopie va demander un sacré travail et pas mal de temps. Le plus gros du catalogue disponible en numérique est aujourd’hui une “photographie” du dernier état du CD. Quand ils sont créés et publiés par les producteurs et par les artistes, les albums sont des “gestes” artistiques qui correspondent à une construction : pour Dinu Lipati, enregistrer les 24 Valses de Chopin en tel endroit, en x jours, avec tel ingénieur du son, c’était mettre au monde une oeuvre phonographique – et quand on sait la magie et le sacré du disque à cette époque, encore davantage.

Mais tout autant, un nouvel album de quelque chanteur que ce soit, dans les années 80, composé avec x chansons, des temps forts et des temps de repos pour l’écoute, représentait une composition précisément pensée.

On voit donc qu’écouter les disques du passé en numérique compilés n’importe comment, c’est en partie dénaturer le produit original, perdre une partie du sens artistique imprimé pr l’artiste et la maison de disques originellement. C’est aussi peu à peu travestir l’histoire au lieu de l’éclaircir.

Regardez par exemple ces images:

Elles sont celles des pochettes d’époque, dans différents pays ( à l’époque beaucoup de tirages nationaux), d’un enregistrement de Sviatoslav Richer extrêmement fameux, consacré au deuxième concerto de Rachmaninov.

Les pochettes sont différentes, mais l’enregistrement est le même. Le concerto est couplé avec six Préludes. D’ailleurs, votre serviteur a été berçé toute sa jeunesse par ce disque.

En voilà encore une autre version en 33T plus tardive :

Or l’autre jour, une envie dévorante de ré-écouter ce disque. la musique en ligne c’est formidable pour cela.
Je me branche sur Qobuz et grâce au (super) moteur de recherche de votre site favori, je trouve cet album :

Comme vous le constatez, cette réédition soigneuse de nos amis de la DG / Universal porte en elle un puissant parfum rétro et d’authentique.

Mais en fait, pour faire geek, je dirais que c’est un “fake” – un faux quoi ! Une falsification historique propre à induire en erreur les jeunes générations, à leur faire penser qu’ils achètent une copie d’ancien – alors qu’il s’agit d’un couplage qui n’a jamais été conçu par l’artiste de cette manière ! Si cela se trouve, Richter y tenait énormément à son couplage Concerto / Préludes ! Et moi donc ! Que vient faire là le Concerto de Tchaikovski (d’ailleurs génial) qui vient déranger les meubles de l’histoire ?

L’objet n’est pas, bien sûr, d’accabler l’éditeur.

Tout cela reste de la bonne musique, et n’est que de la bonne musique !  Mais, vendu sans aucun détail de la part de Qobuz (tout simplement parce que nous n’avons pas les moyens financiers, vous vous en doutez, de payer une armée de musicologues pour faire le boulot que les éditeurs devraient faire pour nous) ; vendu sans livret, de disque est un mensonge artistique. Il est temps à présent que l’industrie comprenne le potentiel que porte l’avenir de son passé. Il faut reconstituer en numérique l’histoire du disque !

Chez Qobuz, nous y travaillons depuis quelques temps déjà, au milieu de toutes les difficultés qui sont faites à la création de services de musique en ligne de qualité – et nous reviendrons bientôt avec les premiers résultats concrets !

POST SCRIPTUM
On nous fait remarquer, à juste titre, que le coffret Richter paru l’année dernière chez Deutsche Grammophon – en 9 CD – est la réunion des 9 LP originaux de Richter parus chez DG. Par conséquent le Rachmaninov 2 y est couplé avec les Préludes. Et en plus, ce coffret est très bien documenté ! Dont acte ! On le trouve sur Qobuz.